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Speech by Ms. Rama Yade on Violence Against Women in Conflict Zones October 10, 2008 (in French)


10/10/2008

Conference on the implementation of resolutions 1325 and 1820 Security Council missions of the European Security and Defense Policy (ESDP)

Intervention de Mme Rama Yade,

Conférence sur la mise en œuvre des résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité dans les missions de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD)

Bruxelles le vendredi 10 octobre 2008.

Juste quelques mots pour dire que cette conférence est très importante parce qu’elle va permettre de faire un point, d’évaluer, de mesurer les conséquences des deux résolutions dont vous venez de parler à savoir sur la situation des femmes en situation de guerre ou de post-conflit. C’est très important de faire périodiquement une évaluation parce qu’il faut mettre fin à cette tradition qui consiste à voter des résolutions sans savoir ce qu’elles deviennent et parce qu’il faut aussi prendre en compte la responsabilité des acteurs. C’est-à-dire qu’il ne suffit pas de vouloir, il faut aussi que les acteurs sur le terrain mettent en œuvre ce qui a été décidé. Cette conférence a été organisée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. C’est l’opportunité de faire un pas de plus vers le respect des engagements pris par la communauté internationale. C’est important parce qu’il y a urgence. Vous savez que la situation des femmes dans les conflits ou dans les sociétés post-conflit est encore dramatique. Je citerai juste quelques chiffres pour bien montrer que les femmes subissent de véritables crimes de guerre à travers les viols dans ces conflits. Rappelons-nous en Bosnie où il y a eut entre 10 et 64 mille cas de viols pendant la guerre, au Rwanda, 250 à 500 mille femmes avaient subi un viol individuel ou collectif pendant le génocide. Et parmi celles qui ont survécu, 70% ont été contaminées par le VIH. En RDC actuellement, que j’ai visité il y a quelques mois, il y a tout de même 48 000 victimes entre 2004 et 2006 dans les Kivus et une recrudescence des viols depuis avril. Donc face à cette situation, il ne suffit pas de voter des résolutions. Moi j’ai participé à beaucoup de conférences, beaucoup de réunions du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur le thème du genre et je considère que la réunion d’aujourd’hui est aussi importante, sinon plus, que les réunions au Conseil de Sécurité parce que on est dans l’évaluation des textes, on est plus dans les déclarations d’intention, on interroge les acteurs civils, militaires de terrain sur l’impact des résolutions adoptées par les Nations Unies. Ce qu’il faut savoir c’est que, du point de vue de l’Union européenne, l’UE a déployé une dizaine de ses missions dans le monde, dans les pays comme l’Irak, la Bosnie, la RDC, le Tchad et bientôt le Kosovo. L’UE a aussi adopté des documents opérationnels qui détaillent les interventions nécessaires à la protection des femmes dans les conflits. Là encore, les responsables des missions ont été conviés, aujourd’hui, durant cette conférence, comme le chef de la mission en RDC par exemple, des responsables politiques de l’UE, comme Mme la Commissaire Ferrero-Waldner, et des experts. Ils sont venus aujourd’hui se rencontrer pour faire un premier bilan de l’action de l’UE et répertorier les bonnes pratiques d’un côté et les lacunes de l’autres à travers la rédaction de recommandations finales. Il est important que cette réunion ne soit pas une réunion de plus, ou juste une réunion pour encore se retrouver, dire des choses qui semblent importantes mais qu’il ne passe rien derrière. Ce qu’il faudrait c’est que, au terme de ces réunions, devant les militaires et les civils qui travaillent sur le terrain, nous fassions des recommandations concrètes et que ces recommandations concrètes fassent l’objet à leur tour d’une recommandation.

Intervention de Mme Inés Alberdi, Directrice exécutive de l’UNIFEM.

Question : Madame la Ministre, quel est le problème à votre avis, pourquoi « 1325 » n’a pas été appliquée comme nous l’avons entendu ce matin durant cette conférence ?

Quel est le problème ? Je prends un exemple. Je pense à la RDC, la République démocratique du Congo où j’avais été. C’était un déplacement qui était consacré principalement aux femmes et à leur situation dans le conflit puisque c’est peut être le foyer aujourd’hui où la situation des femmes est la plus dramatique. Au fond, quand vous entendez les femmes témoigner de leur situation, tout vous semble prioritaire. Vous ne savez pas par où commencer parce que tout vous semble prioritaire. Je m’explique par rapport aux militaires qu’on entendait tout à l’heure. J’ai rencontré des femmes à l’hôpital de Panzi qu’un docteur soigne. Il est le seul gynécologue à soigner ces femmes. D’ailleurs il était à Paris hier. On s’est revu avec Eve Ensler qui fait les monologues du vagin et qui est très impliquée sur les violences faites aux femmes au Congo. Des femmes sont enlevées par des groupes armés dans l’Est du pays et sont violées de manière collective, sont transformées en esclaves sexuelles et puis ensuite soit elles meurent, soit elles sont rejetées dans les villages. On se rend compte qu’elles sont enceintes, qu’elles ont le Sida, qu’elles ont des fistules, etc. et donc elles se retrouvent rejetées des communautés parce qu’elles dégagent une odeur un peu étrange. Eve Ensler parle de « fémicide » pour dire que le viol est une arme de guerre et qu’en détruisant la femme on détruit des communautés puisqu’on éloigne les femmes. Donc je suis allée voir ces femmes dans l’unique hôpital qui se trouvait dans l’est du pays avec l’unique docteur qui les soignait parce que ces viols s’accompagnent de tortures. Et comme cela dure pendant des mois dans les forêts, il faut faire des opérations pour reconstituer physiquement ces femmes. C’est terrible car on ne peut pas les garder. Il faut après les faire repartir et elles se font enlever à nouveau et… bref et ça recommence. Et alors, elles m’ont raconté leurs histoires et elles m’ont dit, de manière très directe : « qu’est-ce que fait la communauté internationale pour nous ? ». Je réponds naïvement : « il y a la Monuc ici, la plus grande force des Nations Unies, 20 000 hommes ». Je suis allée voir la Monuc d’ailleurs. Et elles m’ont dit : « Qu’est-ce qu’elle fait, la Monuc ? ». Alors je leur réponds : « elle est là pour vous protéger ». Et elles me disent : « mais elles n’ont pas le droit de combattre les bandes armées ». Effectivement, cela n’est pas dans leur mandat. C’est terrible car, je suis allée voir la Monuc. Je leur ai demandé : « Eh bien alors, qu’est-ce que vous faites pour les femmes parce que cela augmente depuis que vous êtes là ». Ils disent : « écoutez, dans notre mandat, on ne peut pas faire plus que ce que l’on fait déjà ». Donc je considère que c’est un problème. Je me suis sentie un peu stupide à invoquer qu’il y a la Monuc ici et elles, elles m’ont expliqué qu’elles ne la voient pas la Monuc. Alors, la Monuc fait sans doute un travail excellent mais je pense que, concernant les violences faites aux femmes, il y a quelque chose à penser là, d’un peu plus important. Parce que derrière cette présence militaire, il y a beaucoup de choses à régler. Il faut se débarrasser de ces bandes armées. C’est ce que disent les femmes au Congo. Vous pouvez créer tous les hôpitaux que vous voulez pour les soigner, vous pouvez envoyer une force militaire de 50 000 hommes, si les bandes armées sont toujours dans la forêt, ça ne change rien pour les femmes puisqu’ils font des descentes pour venir les enlever. Il faut donc les désarmer physiquement. Et puis, il y a en a qui viennent des pays voisins, notamment le Rwanda qui ne veut pas forcément récupérer les bandes. Alors que fait-on, on les éloigne du Kivu ? Mais il faut peut être les punir. On se demande où est le système judiciaire. Au Congo, il n’y en a pas vraiment. Alors il faut les occuper par un emploi. Mais alors où est l’emploi ? Il n’y en a pas vraiment non plus. Donc on se retrouve avec le problème sur les bras depuis 10 ans et on a là le foyer le plus tragique du monde entier. Moi je n’ai jamais vu cela ailleurs. Et la mobilisation n’est pas suffisante sur le Congo, sur la RDC, sur la situation des femmes. Vraiment l’enjeu n’est pas un enjeu cantonné aux femmes. Pour reprendre l’expression d’Eve Ensler, c’est vraiment un « fémicide » parce qu’on détruit les communautés derrière. Je crois toute à l’heure, quand je parlais des réunions du Conseil de Sécurité etc. Les résolutions, c’est très bien, il en faut mais je pense qu’à un moment donné il faut se demander si le mandat donné à la Monuc est vraiment bien calibré ou s’il faut pas inventer quelque chose d’autres à côté si cela n’est pas le rôle de ces forces là d’intervenir. Quand vous voyez les militaires sur le terrain, ils sont très courageux. Le général Gaye qui commandait les troupes de la Monuc qui est un homme assez exceptionnel dans son engagement. Eux-même voudraient calibrer un peu mieux cette force présente. C’est quelque chose d’absolument indispensable. Nous, nous allons faire une réunion avec Eve Ensler. On essaie d’attirer des gens pour faire une grande conférence autour de documentaires, de témoignages de ces femmes à Paris d’ici la fin de l’année, en invitant des gens comme vous, comme les journalistes pour sensibiliser l’opinion au Congo car on en parle pas suffisamment, on ne parle pas suffisamment des violences faites aux femmes.

[Intervention du modérateur]

Il faut sensibiliser, il faut commencer par là. Vous lancez l’initiative: « Say no to violence against women”. C’est très intéressant mais vous voyez, ils sont obligés d’appeler Catherine Deneuve, Nadia Auermann, Madame Ban Ki Moon, Rania de Jordanie. Ils sont obligés de faire appel à des personnalités, des peoples, des stars parce que c’est le seul moyen qu’on a pour faire accélérer les femmes. C’est dans cet esprit d’ailleurs que s’inscrit notre réunion sur les femmes au Congo. Si vous voulez nous les prêter pour mobiliser les femmes au Congo, ce serait bien !